3 février 2008

Damien, Victor et Mohmed (MSF)

(c) Henrik Glette/MSF


Dans un moment de cyber-égarement, je me suis souvenu avoir placé un espion électronique sur cette page: en plus d'aider Google à compléter son fichier intergalactique de renseignements privés (bouh-pas-bien), je me delecte d'une curiosité malsaine. Oui, oui, ça m’excite de savoir que 2 Malaysiens, 1 Algérien et 1 Africain du Sud se sont retrouvés sur ce blog, et oui oui, je meurs d’envie de savoir comment ils sont arrivés là.

Plus aucun post sur ce blog depuis belle lurette, et pourtant entre 6 et 7 visites par jour de personnes dans le monde entier.
J'ai donc envie de profiter de cette mini-fenêtre on-ze-world pour écrire ça:

Après 6 mois à Montréal, je continue mon stage à Toronto au sein de MSF Canada, département Communications.
9h du matin, lundi 28 janvier 2008, j'arrive pour mon premier jour.
20 minutes plus tard, j'apprend la nouvelle : 3 membres de l’équipe MSF viennent de "trouver la mort" dans une explosion au Sud de la Somalie, dans la ville de Kismayo. Un médecin français, un médecin kényan et un chauffeur somalien.

Comment les médias nous entubent
Auparavant, cette info me serait passée par dessus la tête, comme pour la plupart des gens. D'abord parce qu’elle s'est perdue au milieu d’une section presse internationale bien fournie; entre les élections présidentielles américaines (à coup de "hugs" faux-cul entre Obama et Clinton pendant leur débat), le chaos kényan et celui que le groupe Facebook "il a paumé 4,9 milliards d'euro ... respect" consacre.
Parce qu'une des victimes était française, on aurait pu attendre plus de couverture par la presse française, mais non.

Avec tous les moyens de communication à notre disposition, les journalistes sont quotidiennement submergés par quantité de sujets à traiter, et le choix se fait en terme de vente et de chiffres. Le nombre de morts est un chiffre comme un autre, comme celui des euros que Carla Bruni recevra de Ryanair. Il faut qu’il soit gros, juteux, sinon ça vend pas.

Alors 3 morts, ça vend pas. Du coup les journalistes couplent l'événement avec le décès de 6 autres personnes à Mogadiscio (capitale de la Somalie, 415 km de Kismayo). Quelques heures après l’explosion, impossible de savoir si le contexte des deux attaques est similaire, mais pas grave, 3 devient dont 10 morts, et ça vendra mieux.

“Somalie: 10 morts dans des affrontements à Mogadiscio” (Le Vif/L'Express)
ou Somalie: dix morts, dont trois employés de MSF et un journaliste (AFP)

Si l’événement n'intéresse pas tellement les médias, il fait quand même l’objet de dépêches (courts articles relatant le fait sans l’analyser).

Aujourd’hui, les kilomètres se comptent plus et l’information est presque instantanée. Après avoir appris la nouvelle, je visite les sites des plus gros média, spécialement les média français (Le Monde, Le Figaro, Libération ...). Les versions ne concordent pas, le nombre de morts et les circonstances de l'incident diffèrent d’un site à l’autre. Aussi dans le flou, MSF ne répond à aucune demande des journalistes, pas avant d’avoir confirmation des événements et, bien-sûr d’avoir contacté les familles. Il faut attendre quelques heures pour que toutes les versions soient mises à jour, quelques heures pendant lesquelles, selon le site d’info consulté, on a lu des conneries.

Vendre!
Là où ça devient moche, c’est quand les besoins de chiffres des uns vont à l’encontre du respect le plus basique des autres. C’est comme ça que des photos du cadavre de Damien Lehalle, une des victimes est mise à disposition des médias pour “étoffer” les articles. MSF demande immédiatement aux journalistes de ne pas utiliser ces photos, par respect pour les familles.

Marrant tout de même qu'il faille que MSF "demande" cela, marrant que les journalistes n'y pensent pas tout seul.

Moi, moi, moi
J’ai toujours voulu partir sur le terrain, avant de rejoindre MSF et encore plus depuis que j’ai rejoint MSF.

Alors Damien, c’est moi, c’est toutes les personnes que j’ai rencontré dans les bureaux de MSF et qui se préparaient à partir quelque part dans le monde. Damien avait un blog un peu similaire à celui-là, où il racontait ses voyages.

À lire,
MSF retire son staff international de Somalie (site MSF France)



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