26 octobre 2009

L'esprit de la brousse

"Cette femme, là, c'est un esprit, un fantôme" me lance le chauffeur. Il me montre une vieille femme accroupie près d'un arbre mort, le regard perdu dans le vide. En tout cas, c'est ce que je devine, il fait nuit noire, il est 4 heure du matin et je ne suis pas des plus frais. Je contemple le ciel rempli d'étoiles, je n'en ai jamais vues autant, ni la voie lactée aussi bien. Je m'accroche ferme au siège du 4x4 MSF qui fonce sur le chemin de terre (avec beaucoup de trous) et me traite façon sac à patate.

On est au fin fond de la brousse du Burkina Faso et je comprends mieux à quoi peuvent servir 4 roues motrices. La photographe de New-York que j'accompagne pour un documentaire sur la malnutrition dort en arrière, ou du moins elle essaie. Il nous faut à tout prix arriver avant le levé du jour, car les premières lumières sont celles qui lui feront faire les meilleures photos, celles qui l'amèneront au sommet de la gloire.

La gloire peut-être, mais en Anglais. Elle baragouine trois mots de français, et je suis son traducteur officiel même quand les burkinabés nous racontent des histoires de fantôme, même quand ils la draguent; et ça donne : "tu veux que je lui demande si elle veut un enfant? Pourquoi ne pas commencer par son prénom?". Le chauffeur m'explique qu'il y a les bons et les mauvais esprits et qu'on les trouve surtout en brousse, dans les endroits reculés.

Nous dépassons la vieille, elle tourne son visage, pour ne pas être éblouie par la lumière des phares du bruyant 4x4. Moi qui ne suis pas superstitieux, je me demande quand même ce que peut faire une vieille dame toute seule, en pleine nuit, en pleine brousse ...